L’ingénierie de formation fait référence à l’ensemble des méthodes visant à concevoir des dispositifs de formation professionnelle permettant d’atteindre un objectif spécifique. Déployée au sein des organisations, elle s’adresse aux équipes dans le cadre du développement des compétences. Thierry Ardouin décrit en détail les 4 étapes fondamentales qui la composent – analyse de la demande, conception du projet de formation, mise en œuvre organisationnelle et pédagogique, et évaluation – ainsi que les outils techniques et méthodologiques auxquels elle fait appel.
Ingénierie de formation
L’analyse de la demande et du contexte, une première étape incontournable.
Au cours de cette première étape, Thierry Ardouin explique qu’il est fondamental d’analyser la demande de formation en tenant compte du contexte, notamment les enjeux, les objectifs et l’environnement professionnel. Cela implique non seulement de comprendre le fonctionnement de l’organisation et les acteurs en place, mais également d’identifier le « climat social » qui y règne ainsi que l’approche du management et des ressources humaines qui y est adoptée. Une bonne compréhension de la stratégie GRH est essentielle, car aucun programme pédagogique ou module de formation ne peut être initié sans diagnostic de la politique de formation de l’entreprise.
Le diagnostic dresse un état des lieux des éléments et critères étudiés, un bilan des points positifs et négatifs.
Caractériser les besoins en formation fait partie de cette première étape. Pour Thierry Ardouin, l’analyse des besoins en formation doit tenir compte de différents facteurs, tels que les besoins de l’entreprise et du salarié, les attentes des diverses parties prenantes ainsi que la demande. L’exercice est complexe, car on part d’une situation professionnelle spécifique pour en atteindre une nouvelle. Le résultat de cette analyse est ensuite transcrit en objectifs pédagogiques. Puis viennent l’analyse de l’offre de formation et le choix du (ou des) prestataire(s). Une fois ces contours clairement définis, le responsable de formation dispose alors de tous les éléments pour concevoir un avant-projet de formation.
Le choix d’outils et de dispositifs pédagogiques pertinents.
La deuxième étape est la phase de conception du projet de formation. Elle permet à l’ingénieur de formation d’expérimenter plusieurs dispositifs par le biais de négociations et d’échanges qui permettent d’affiner le projet pour qu’il réponde de manière optimale aux objectifs visés. Pour reprendre la formule de Thierry Ardouin, il faut pouvoir concilier « le souhaitable et le réalisable ». Le responsable de formation doit ensuite procéder à la référentialisation, soit l’élaboration de trois référentiels : le référentiel d’activités, le référentiel de compétences et le référentiel de formation. En parallèle, un travail de communication doit permettre d’échanger et de diffuser les informations.
Par l’existence de ces référentiels, il y a aussi une lisibilité du travail réalisé, de sa spécificité et donc une forme de reconnaissance professionnelle.
La conception d’une offre de formation passe également par la définition d’un cahier des charges et une contractualisation de la demande de prestations, rappelle Thierry Ardouin. Une fois l’organisme sélectionné via l’appel d’offre, la « convention de formation » récapitule les conditions commerciales et juridiques qui lient les intervenants. L’auteur insiste sur l’inclusion d’une « annexe pédagogique » qui passe en revue les éléments du cahier des charges.
Plan de formation/développement des compétences, veille documentaire et tableau de bord.
La troisième étape consiste à mettre en œuvre la formation pédagogique à l’aide de trois outils essentiels. Tout d’abord, l’ingénieur de formation élabore un plan de formation/ développement des compétences décliné en 8 étapes en tous points identiques à celles de la démarche d’ingénierie de formation : définition des objectifs, identification des besoins de compétences, hiérarchisation des actions, élaboration des modules de formation, avis des instances, communication, mise en œuvre et évaluation du plan de formation.
Le plan de formation traduit de manière opérationnelle la politique de formation de l’entreprise, cette dernière étant elle-même intégrée à une politique globale.
L’ingénieur de formation utilise ensuite l’outil veille documentaire qui lui permet d’opérer un suivi et une régulation de la formation. Cette veille, qui se veut stratégique, se décline en deux volets : surveillance des informations sectorielles et gestion documentaire interne. Enfin, l’ingénieur de formation s’appuie sur un tableau de bord pour gérer et piloter la formation ainsi que pour faciliter la prise de décision. Thierry Ardouin n’oublie pas de mentionner que la réalisation du projet de formation doit être associée à la mise en place d’un processus structuré de régulation.
L’évaluation du projet de formation.
La quatrième étape de la démarche d’ingénierie de formation implique d’évaluer la formation en confrontant les objectifs attendus et les résultats obtenus. Comme l’indique Thierry Ardouin, c’est une étape relativement nouvelle qui, par le passé, était souvent « déconnectée du projet ». Cette étape est pourtant doublement bénéfique, car elle permet à l’entreprise d’apporter les corrections en cours de formation, et au responsable de formation de valoriser ses connaissances et de développer son professionnalisme.
L’évaluation de la formation travaille aussi bien sur l’analyse et la valeur des trajectoires individuelles que sur les systèmes de formation.
Thierry Ardouin qualifie l’évaluation de « multidimensionnelle et multiforme ». Multidimensionnelle parce qu’elle soulève un certain nombre de questions : à qui est-elle destinée ? Que doit-on évaluer et quand doit-on le faire ? Un processus d’interrogation qui ne se limite pas à un simple « ensemble de constats », mais devient un outil d’aide à la décision. Thierry Ardouin cite le modèle d’évaluation de Stufflebeam, qui propose une approche systémique pour évaluer un programme en intégrant l’analyse du contexte, des intrants, des processus et du produit. Multiforme ensuite, car l’évaluation peut être à la fois « diagnostique, sommative, formative et formatrice ».
À l’heure où le tempo s’accélère pour les entreprises, notamment face à la multiplication des contraintes réglementaires, à la reconfiguration des chaînes d’approvisionnement et aux avancées spectaculaires de l’IA, l’ingénierie de formation leur permet de mieux s’adapter à un environnement économique en mutation. Gestion du changement, développement des compétences, adaptation aux nouvelles technologies ou management des talents sont quelques-uns des domaines où elle s’avère déterminante. S’inscrivant parfaitement dans le contexte organisationnel actuel, l’ouvrage dense et exhaustif de Thierry Ardouin est une ressource indispensable qui répondra aux nombreuses interrogations des ingénieurs formation et autres professionnels de la formation en entreprise. Il vient compléter d’autres travaux sur le même thème, tels que Ingénierie et évaluation des compétences de Guy Le Boterf ou le Traité des sciences et des techniques de la Formation de Philippe Carré.